Le cinquième Forum Pharmacie s’est tenu à Bâle le 14 septembre. Cette édition était consacrée aux coûts, un sujet récurrent. Les participants ont vécu un après-midi passionnant en compagnie du surveillant des prix et du CEO de SWICA.

Où en sont les coûts et comment évoluent-ils?

Dans le premier exposé, Rahel Schneider, pharmacienne et première autrice de l’édition 2019 du Rapport sur les médicaments d’Helsana a présenté quelques chiffres relatifs aux coûts de la santé.

Le système de santé suisse coûte chaque année quelque 80 milliards de francs. L’assurance obligatoire des soins (AOS), publique, couvre 35% des coûts et le reste est principalement pris en charge par les cantons. Les médicaments représentent 13% des coûts totaux et 21% des coûts de l’AOS.

Depuis 2011, les contrôles des prix effectués par l’Office fédéral de la santé publique ont permis d’économiser un milliard de francs, ce à quoi les pharmacies ont nettement contribué. La hausse des coûts des médicaments est à mettre sur le compte de quelques substances innovantes. En effet, seul 1,7% des médicaments délivrés est responsable de 30% des coûts.

En somme, une simple discussion menée sur les prix fournit une image incomplète de l’ensemble des coûts thérapeutiques puisqu’on ne prend pas en considération le bénéfice global d’un médicament ni son utilisation correcte.

Les économies dans l’assurance de base sont-elles imprudentes?

Dans un second exposé, le président de pharmaSuisse Fabian Vaucher a expliqué qu’avec ses mesures d’économie, la politique de la santé actuelle mettait en danger des soins de base abordables au profit d’une médecine de pointe onéreuse. Les médicaments couverts par l’assurance de base engendrent moins de la moitié des coûts alors que les préparations les moins chères ne sont déjà plus rentables aujourd’hui. Le système de prix de référence ne ferait que renforcer les fausses incitations existant pour ces médicaments.

Le Parlement est convaincu d’augmenter la concurrence grâce au principe du prix le plus bas. Cependant, ce dernier menace principalement les entreprises importantes pour l’approvisionnement dans les zones rurales peu peuplées et dans certains quartiers. Pourtant, les pharmacies en tant que premier point de contact font de nombreuses économies dans ces endroits-là précisément.

Les exigences du président de pharmaSuisse sont claires: les pharmaciens peuvent économiser, mais leurs prestations doivent être rétribuées à un tarif approprié qui couvre les coûts effectifs et qui reste indépendant du prix du produit.

Une rémunération à la traîne

Markus Messerli, pharmacien et président du Pharmaceutical Care Network Suisse (PCN-S), a montré à l’aide d’exemples concrets à quel point la rétribution des pharmaciens n’est pas à la hauteur de leur rôle en matière de soins, de conseil et d’assistance: au lieu de CHF 400 aux urgences à la charge de l’assurance-maladie, la prise en charge en pharmacie d’un enfant de six ans suite à une chute (suivi compris) coûte CHF 66,80 aux frais du patient. La fabrication de capsules de sildénafil pour un homme souffrant d’une malformation cardiaque congénitale permet aux assureurs-maladie d’économiser des milliers de francs annuellement par rapport au médicament LS autorisé. Pour le lancement d’un traitement composé d’injections à base d’anticorps, le pharmacien investit 45 minutes de son temps gratuitement.

Markus Messerli a également raconté ses échanges avec 14 jeunes médecins de famille sur le travail en pharmacie, lors de la réunion régionale à Lucerne. Il a qualifié ces discussions d’information aux médecins, car ces derniers n’avaient jamais eu de contact avec des pharmaciens pendant tout leur cursus. Selon lui, les contacts personnels favorisent la communication d’égal à égal et posent de bonnes bases pour une collaboration.

Markus Messerli a ensuite brièvement présenté le PCN-S. Ce réseau entend promouvoir de façon indépendante l’assistance pharmaceutique en Suisse, tout en s’adressant aussi aux assistants en pharmacie, aux droguistes, au personnel infirmier et aux médecins.

Une lutte acharnée sur le front des prix

L’exposé a été suivi d’un débat animé par Andreas Schwald, chef des médias en ligne de AZ Medien. Outre Fabian Vaucher et Christoph Meier, chef du département des sciences pharmaceutiques de l’Université de Bâle, tous deux invités habitués, le surveillant des prix Stefan Meierhans et Reto Dahinden, CEO de SWICA, y ont également participé.

Stefan Meierhans a défendu l’introduction du système de prix de référence, tout en mettant en garde contre le renforcement des problèmes d’approvisionnement y relatif. Selon lui, les pénuries ne seraient pas causées par des prix trop bas, mais par l’avidité des multinationales pharmaceutiques qui centralisent la production dans des pays pratiquant les bas tarifs. Il ne faudrait pas s’exposer au chantage à cause de l’argument du prix. En outre, Stefan Meierhans a dit soutenir les pharmaciens et défendre souvent la RPB face aux consommateurs en colère.

Reto Dahinden a lui plaidé contre la définition numérique d’objectifs d’économie et en faveur d’une restructuration au profit de structures apportant une valeur ajoutée. Selon lui, l’objectif doit rester l’approvisionnement correct de la population. Reto Dahinden a aussi déploré l’existence du subventionnement croisé dans le système de santé. Il estime dégradant le fait que de nombreuses pharmacies doivent se financer en vendant des bonbons parce que les prestations médicales ne sont pas rémunérées. Il a ajouté avoir d’ailleurs toujours mauvaise conscience en se faisant conseiller dans sa pharmacie de confiance sans rien acheter.

Le surveillant des prix a lui aussi critiqué la préservation de structures anciennes. Pour lui, la population bloquerait toutefois des réformes nécessaires en soutenant le maintien de trop nombreux sites hospitaliers.

Christoph Meier a proposé une révision de la structure d’approvisionnement dans laquelle des fournisseurs privés prendraient en charge l’assurance pour les soins de base usuels ainsi qu’une assurance étatique pour la médecine de pointe onéreuse.

Il faudrait plus de possibilités d’investissement

Parmi le public, le pharmacien hospitalier Enea Martinelli a souhaité s’exprimer sur la décision du surveillant des prix: «En Suisse, nous nous exposons déjà au chantage.» En comparaison internationale, le marché helvétique serait insignifiant selon lui et devrait donc se donner de la peine pour recevoir des stocks de la part de l’industrie. M. Martinelli a fourni quelques exemples tirés de sa pratique, où des patients ont dû opter pour des traitements nettement plus chers faute d’approvisionnement. Stefan Meierhans a ici exigé d’utiliser les instruments déjà existants. En octroyant des licences obligatoires, l’État pourrait déléguer la production de médicaments à des fournisseurs moins chers.

Compte tenu de ces plans d’économie excessifs, Fabian Vaucher a demandé une meilleure sécurité de la planification pour les pharmaciens. Selon lui, le système connaît actuellement un bouleversement dramatique, mais si les moyens financiers sont coupés précocement, la transformation n’aura pas lieu. Il faudrait plus de possibilités d’investissement

Andreas Bosshard, General Manager de Mepha, a critiqué les calculs selon lesquels le système de prix de référence permettrait d’économiser des centaines de millions de francs. Il estime que les données disponibles sont insuffisantes pour faire des pronostics. Marcel Mesnil, secrétaire général de pharmaSuisse, s’est lui aussi offusqué de calculs arbitraires. Reto Dahinden a rétorqué que la discussion devrait se concentrer sur une prise en charge favorable aux patients et non pas sur la véracité d’études des coûts. Il a notamment souhaité plus de libertés dans l’aménagement de modèles de Managed Care.

En matière de baisse des prix, il n’a pas été possible de trouver un terrain d’entente. Cependant, tous se sont accordés sur le fait que les pharmacies élaborent une nouvelle structure d’approvisionnement et créent ainsi de la valeur ajoutée qui doit être rémunérée par un autre moyen que le prix des médicaments.

Comment l’expliquer au patient?

Après le débat, l’équipe du Forum a invité les participants au traditionnel workshop. Celui-ci avait pour objet le prix des prestations, les nouveaux tarifs et divers canaux de paiement qui déroutent fréquemment les patients et d’autres partenaires du système de santé. Il s’est avéré à quel point il est difficile d’expliquer de façon compréhensible à la population le capharnaüm administratif que représente le système de santé. Il faut pourtant accorder davantage d’attention à ce sujet, car les pharmacies sont encore souvent considérées au travers du prisme des coûts.

L’association Forum Pharmazie tient à remercier le sponsor principal Mepha et les co-sponsors Galexis, IFAK DATA, Ofac, Pharmavital, PharmaFocus, topPharm et Viollier pour leur soutien.

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Erwin Wendelspiess

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